Pistolet rouge et jaune
Jour après jour, il suit le même rituel. Il fait le tour du quartier où il habite, une fois dans un sens et une fois dans l’autre, à la recherche du temps perdu … à jamais. Une image de madeleine lui vient parfois à l’esprit. Il ne sait pas pourquoi.
Il se souvient alors de sa grand-mère penchée sur son four. Cela le fait sourire. Elle cuisinait toutes sortes de merveilleux gâteaux moelleux. Jamais une seule madeleine pourtant ! Hum cette odeur si réconfortante. Il s’en emplissait les poumons chaque fois qu’il lui rendait visite. Dans la cuisine, cela sentait le sucre fondu caramélisé et dans le salon la laine mohair, celle de son châle tant porté.
C’est à son tour d’être vieux, et plus très alerte ma fois. Il a connu des jours oh combien enivrants.
Parfois, il lui prend encore l’envie de séduire. Il a essayé avec la voisine du dessous. Elle a chaque fois froncé les sourcils, sans dire un mot. Il en conclut que c’est inopérant.
Il était un homme extrêmement fringant, un peu dandy, imperturbable derrière son noeud papillon et ses souliers vernis.
Qu’est-il encore ?
Juste un vieux qui se dit qu’il a perdu tant de temps avec tellement de frivolités, et qu’il lui en reste si peu … du temps ! Aujourd’hui, il s’en fiche. Il a compris. Son occupation préférée ? Il adore endosser son long manteau noir, celui de sa période dandy, pour aller se balader dans le parc à la tombée de la nuit. Et là, il prend un malin plaisir à s’approcher d’un groupe de jeunes réunis pour boire des cannettes. Il se met alors à crier « hauts les mains », tout en sortant son pistolet à eau rouge et jaune, avec lequel il arrose la bande.
Dans cette bande, il y a Victor, le petit fils du Mimile. Le coup du pistolet, ça les fait bien rigoler. C’est vrai quoi, un papy déjanté, on n’en voit pas tous les jours !